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Mes 17 ans: Quitte ou double

Cette année marquera mon 17e anniversaire de couple. L’air de rien, c’est la moitié de ma vie puisque notre relation a débuté lorsque j’avais 17 ans. L’année probablement la plus déterminante et la pire de toute ma vie. L’année où j’ai tout risqué, mais aussi tout perdu et gagné à la fois. À chaque automne, mes pensées chavirent toujours un peu vers cette période turbulente de ma vie. J’ai décidé de bâtir sur des cendres, de jouer le quitte ou double… et j’ai gagné!

Hiver 2006, le nouveau propriétaire de notre triplex monte les escaliers. Mon chien l’attend en aboyant. Malgré sa petite taille, il n’apprécie rien de cet homme. Je le comprends, c’est tout de même lui qui l’aura séparé de nous. Je décide de m’asseoir autour de la table de notre minuscule cuisine pour mieux entendre ce qui se dira puisque le ton semble sérieux. Elle est exigüe certes, mais c’est aussi mon endroit préféré du notre coquet logement. L’espace où tous les jours, entre le son de la laveuse, de la vaisselle et de la radio, je me retrouve assise à table avec mes 4 personnes préférées pour souper. Des rires, des blagues et des discussions, on venait de jeter un sort sur cet endroit merveilleux qui était soudainement glacial. 

Le regard vide, ce Séraphin aux grandes ambitions nous annonce que nous serons à la rue sous peu. Locataires depuis 17 ans, bons payeurs, nous sommes destinés à se faire foutre dehors dans quelques semaines. Il cache son jeu, mais on devine qu’il a l’intention de transformer notre logement en condo. À l’époque, les vieux logements de Limoilou sont des opportunités en or pour les investisseurs qui les revendent l’année suivante le double du prix. Je me suis jurée que jamais personne ne me referait vivre la violence de ce geste. D’être délogée aussi facilement et sans égard. Vous comprendrez maintenant les raisons de ma détermination, ma ténacité et ma fougue.

Les semaines s’enchainent, il est difficile de trouver un logement dans le même budget. Mes parents sont inquiets, l’ambiance quotidienne est lourde. Après 17 ans au même endroit, il faut dire que la réalité coûte cher. On visite des endroits qui sentent drôles, parfois malpropres et d’autres qui font rêver, mais qui sont tout simplement hors de prix. Notre route se termine dans un joli logement, plus grand et lumineux sur la 17e. Il n’était pas affiché et c’est le bouche à oreilles qui nous l’a offert. Après autant de visites, le temps presse puisqu’on ne sait toujours pas où nous habiterons dans quelques semaines. On le prend! On m’apprend alors qu’en plus de perdre mon cocon, je devrai me séparer de mon meilleur ami poilu. Les chiens sont interdits! Il n’y a pas une seule journée entre cette annonce et le déménagement où je n’ai pas pleuré avec lui dans mes bras. Je l’ai relocalisé dans une nouvelle famille où je pourrais le visiter et il est malheureusement revenu à quelques jours du déménagement comme il ne s’adaptait pas. C’est mon frère qui a eu la lourde tâche d’aller le porter à la SPCA. Salut Poutchy! 

Ça, c’est l’été où j’ai terminé mon secondaire. On s’entend, c’est déjà une période de transition intense pour une adolescente. Dans mon cas, j’avais décidé que j’irais faire une technique en graphisme au Cégep de Sainte-Foy, alors que toutes mes amies iraient faire des études relaxes à Limoilou. Alors qu’elles feraient des sciences humaines dans notre coin et iraient dans les bars, j’allais me claquer des semaines de 35 heures de formation dans ce qui semblait être le bout du monde puisque je perdais 1h30 dans les transports en commun tous les jours. Côté amoureux, on ne peut pas dire que c’était mieux. Je voyais un garçon que je qualifierais de crush du secondaire. Celui qui me gravait des CD que j’écoutais en boucle (thanx Napster) et que je voyais dans ma soupe. Pourtant, moi, j’étais celle avec qui il ne voulait pas être affiché, celle qu’il dénigrait devant ses amis dans les partys, celle à qui il envoyait des photos de ses nouvelles conquêtes (thanx MSN), celle en qui il ne croyait pas «Tu ne vivras jamais de tes petites photos!», mais qu’il amenait volontiers dans un stationnement industriel en soirée. Ma vie avait tellement changée! Je vivais la fin d’une époque, la fin d’une routine, la fin de plusieurs amitiés, la fin d’une vie de famille (mon frère a quitté rapidement notre nouveau domicile), la fin de mon chien et parfois, dans mon cœur d’ado, j’avais l’impression que c’était la fin de ma vie. Je perdais tous mes repères et jamais il n’avait été aussi difficile de trouver un sens à ma vie. J’ai terminé le secondaire, fait mes examens de fin d’année entre deux boîtes et des parents démoralisés, abandonné mon chien, déménagé, débuté le Cégep, perdu des amies, vécu ma plus grande peine d’amour et je me sentais minable puisque je pleurais tout le temps. J’ai probablement pleuré plus de larmes l’année de mes 17 ans que dans toute ma vie.

Je savais que j’étais à un point de non-retour. Extrêmement malheureuse, anxieuse et seule. Aujourd’hui, avec le recul, je sais que mon trouble anxieux s’est amplifié exposant 1000 à cette période et que j’ai probablement été en dépression, même si je n’avais que 17 ans. En fait, l’unique motivation de ma vie, c’était me rendre au Cégep (merci les profs) pour pouvoir me nourrir de la passion que j’étais en train de développer pour la photographie et le graphisme. J’ai rencontré des nouvelles amies sincères (coucou Catherine) et un homme merveilleux m’a fait les yeux doux (coucou Simon). Alors que la vie me faisait violence depuis 1 an, je dois dire que ces regards bienveillants calmaient mes nombreux démons. Je sentais inévitablement que j’avais soudain de la valeur, du respect, de l’amour et que je pouvais reprendre le contrôle sur ma vie… Quand tout est détruit, il ne reste qu’à reconstruire comme on le veut!

C’est dans une Toyota des années 90 que j’ai annoncé à mon crush que ça allait être notre dernière soirée. Que j’avais rencontré un garçon plus vieux et plus sérieux. La vérité, c’est que je connaissais à peine Simon et qu’il m’avait qu’embrassé sur le coin d’un bar parce que j’étais un peu «chaudaille». Quelques jours suffisaient pour que je sache qu’il pouvait difficilement faire pire que son prédécesseur. Après une année à vivre de revers, à perdre le contrôle, à souffrir intérieurement, à pleurer mon âme, j’avais décidé de renaître de mes cendres. Le cœur en miettes, mais le regard vers l’avenir, j’ai monté les escaliers de mon nouveau chez moi en sachant que ma vie changerait. J’ai terminé mes études collégiales pour faire un Baccalauréat et déménagé en appartement avec Simon.

On m’a dit que c’était risqué de d’avoir mon entreprise à 19 ans pendant que j’étais aux études, de posséder une maison et d’avoir un enfant avant 25 ans. Je répondrai que le plus grand risque dans la vie est celui d’être malheureux. Aujourd’hui, après 17 ans d’amour avec un homme bon, 3 magnifiques enfants, une chaleureuse maison, des amitiés formidables et une entreprise florissante, je sais que j’ai fait le bon choix. Mes 17 ans m’ont brisé, mais nos 17 ans sont la preuve qu’on peut guérir.

Les entrepreneurs poussent souvent comme des fleurs dans le béton.


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