Le fameux hashtag #metoo a grandement fait jaser avant les Fêtes. On réalisait que plusieurs femmes avaient subi du harcèlement ou des agressions sexuelles. Le mouvement a pris de l’ampleur et la société s’est entendue pour dire ce qui était accepté ou non. Ce qui devenait la limite à ne pas franchir. Je tiens à revenir sur ce mouvement, puisque dernièrement, j’ai réalisé qu’il y avait du harcèlement en photographie. Que ce sujet devenait récurent dans ma vie professionnelle, mais aussi dans celle de quelques-unes de mes consoeurs. Qu’est-ce que nous devons accepter ou dénoncer en tant que photographe professionnelle? En tant que femme professionnelle indépendante? Malheureusement, un domaine où l’on vit presque toutes, à un moment ou un autre, une forme de harcèlement. Un peu comme si on attribuait, à tort, qu’une femme avec une carrière indépendante devenait votre employée, pire votre esclave. Qu’elle devrait tout faire pour vous satisfaire, incluant quelques beaux yeux. Voici donc des histoires de photographes et d’autres de moi. Des histoires que je ne tolérai plus en 2018.
Appelons-le Bernard. Bernard est un photographe indépendant connu déjà assez établi à l’époque. Il est très artistique et offre une bonne qualité photo. J’oserais même dire qu’il est talentueux, malgré toutes les bêtises qu’il a pu m’envoyer. Bernard est un très bon photographe artistique. Bref, il se lève un matin, fait la lecture d’un de mes articles de blogue sur la photographie portraitiste de particuliers et décide que je suis sa prochaine proie. Il trouve que mon créneau (famille et maternité) est la poubelle de la photographie. Que mon travail n’a aucune valeur artistique et qu’il est dépourvu d’intérêt puisque je réponds à la demande «des tristes banlieusards» selon ses dires. Je n’ai rien d’une artiste. Je n’ai rien d’une photographe. Je n’ai pas le pouvoir, l’expérience et la fibre artistique afin de conseiller ou d’écrire sur ce domaine qui est indigne de la profession. En plus de devoir me le mentionner par courriel et par messagerie Facebook, celui-ci s’en va définitivement en guerre. Bernard décide que la prochaine photographe à qui il veut la mort professionnelle, c’est moi. Heureusement, vous voyez que ça a très peu fonctionné et que je suis toujours debout après plusieurs années. Je débute à l’époque, j’ai à peine 1000 personnes qui me suivent, je travaille de mon appartement, je roule dans une voiture qu’on qualifierait de «minoune» et je termine mes études en Arts visuels avec des dettes. Je ne suis pas imposante et ma carrière bourgeonne à peine. Lui, du sommet de sa montagne, commence à réaliser de grands contrats et expose. Il veut me faire tomber comme une mouche et il a assez d’envergure pour le faire. Voilà que débutent les publications multipliées. Sur tous les médias sociaux, il me nomme, me vise, partage mes articles, me détruit. Il invite ouvertement les gens à me détester. Heureusement ses «followers» ne sont pas les miens, donc ça a peu d’impact sur ma clientèle. Il désire me voir échouer, me voir me décourager et tout arrêter. Je ne comprends pas pourquoi tout ce mal. Je suis devant mon ordinateur, la gorge nouée et l’angoisse au ventre. J’ai à peine 20 ans, mon rêve devient ma hantise. Il me détruit. Encore aujourd’hui, Bernard a une carrière internationale et se distingue. Nos «followers» n’ont plus une si grande différence qu’auparavant. Il semblerait que mon créneau ait une raison d’exister. Je mène ma carrière à ma façon, en réalisant ce qui me passionne et j’ai même publié des livres sur celle-ci. Il mène la sienne, une carrière que je respecte, mais que je n’ai aucune envie d’avoir. Il semblerait que je trouve ma passion dans ce qu’il déteste. Que j’aime photographier des «banlieusards» heureux et créer avec eux dans un art moins glamour. Ils sont sympathiques et m’apportent du sucre à la crème à Noël. Pourquoi est-ce que je voudrais faire les choses différemment quand ce que j’ai me comble tellement? Bernard était mon premier harceleur. Le premier de ma courte vie de photographe.
Maintenant, est-ce que des clients qui font preuve de harcèlement existent? Bien évidemment! J’ai la chance de n’avoir aucun client qui est passé en studio qui le soit. Dieu merci, mes clients sont saints et pas trop déviants. Je pense plutôt à des hommes qui se proclamaient «futurs clients», pensant me faire peur de la sorte. Le genre de futur client dont personne ne veut en fait. On pourrait parler longuement de ceux qui m’envoient leur sexe en photo pour me demander s’ils feraient des belles photos. Mais ceux-là, ils sont désormais trop communs. On pourrait aussi cibler ces hommes qui désirent qu’une photographe femme les photographie nus, dans toute leur splendeur. Mais encore, je ne connais pas une photographe qui n’a pas reçu une telle invitation. Débutant du nu artistique allant rapidement au nu pornographique. C’est un classique! Ou bien de ceux qui me trouvent tellement belle, sexy et séduisante et me le répètent après chacune de mes publications. Ceux-là, ils sont bloqués et rapidement disparus. Je parlerai plutôt de ceux qui croient qu’une photographe indépendante devient dépendante et faible face à leur pouvoir d’achat. Que nous devons nous plier à tout pour vous avoir comme client. Je tiens à rectifier le tir, nous ne sommes pas vos marionnettes à partir du moment où vous menacez de ne pas nous engager. Votre argent, je n’en veux pas. Le respect que j’ai envers moi-même vaut plus que ça. En fait, j’ai deux clients en tête. Un couple qui voit mon logo sur une photo. Entame les recherches afin de trouver finalement mon numéro de téléphone personnel, alors que celui-ci n’est pas disponible sur mon site Web, mes médias sociaux ou même mes dépliants. Bien que le répondeur de celui-ci mentionne qu’ils sont sur ma ligne personnelle. On l’ignore. On me téléphone à répétition, parfois même tard le soir et la nuit. Mon conjoint répond finalement, on raccroche. Il décide de rappeler l’homme insistant. Celui-ci affirme ne pas m’avoir téléphoné. Ce fut sa dernière intervention envers moi. Un deuxième suivant la même formule, me téléphone à répétition sur ma ligne privée. Ignore les mentions de ma boîte vocale et continue. Devenant de plus en plus désagréable dans ses nombreux messages vocaux alors que je suis absente. Je tente de le joindre sans succès, mon adjointe de même. Il me contacte plusieurs mois plus tard, sur mon Facebook privé (pourquoi changer ses bonnes habitudes et opter pour le Facebook professionnel?), pour m’accuser de n’avoir aucune photo de son enfant à cause de moi, insultant mon entreprise et son service. J’ai le dos large non?
Je pense aussi à d’autres photographes, que je ne peux nommer, qui ont reçu des avances de clients, parfois même des papas. De courriels suggestifs ou des questions trop personnelles. Je pense à d’autres qui endurent des clients qui persistent à faire d’elles le centre de leur vie, le centre de leurs échecs. À celles qui reçoivent des menaces et des messages haineux. Aux amateurs des médias sociaux qui se tuent à offrir des évaluations pourries ou des publications déplacées. Devant de telles situations, en tant que photographe femme et ce, peu importe votre niveau, que devons-nous faire? C’est simple, n’y pliez pas ou du moins, n’y pliez plus. Vous valez plus que ce que certaines personnes aiment vous faire croire. Vous n’êtes pas censées sentir un manque de respect de la part de votre clientèle ou vous sentir inférieures à celle-ci, pas plus que de la part des autres photographes. Être photographe, c’est travailler d’égal à égal avec vos clients. C’est créer AVEC eux et non POUR eux. Vous ne devez pas ressentir cette petite alarme au fond de l’estomac qui vous dit que quelque chose ne tourne pas rond. À ressentir la peur d’un harcèlement. Vous n’avez pas à vivre des situations dans lesquelles vous vous sentez personnellement visées. Vous n’êtes pas soumise à accepter les avances ou les insultes d’un homme fêlé, pas plus qu’une photo de son pénis. Vous n’avez pas à accepter un contrat déviant pour de l’argent. Vous n’avez même pas à endurer leurs nombreux appels sous prétexte qu’ils vous paieront un jour. Pas plus que de leur en offrir plus parce qu’ils vous font peur.
Chères photographes, en 2018, dites non à ce qui n’a rien à voir avec votre créativité. Je me fais désormais un devoir de ne pas me laisser harceler. Et même, d’opter pour des démarches judiciaires si ça venait à se reproduire.
Relation amour/haine avec mon horaire
Trop vide ou trop plein… Il y a toujours quelque chose qui cloche avec mon horaire. C’est l’histoire perpétuelle de ma carrière. L’air de rien,