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Bye Brébeuf!

Mon dernier examen est terminé. Ça fait déjà 12 minutes que je fixe un écureuil dehors en me disant que je ne veux pas avoir l’air de sortir trop tôt. Le surveillant pourrait finir par comprendre que mon intérêt limité envers cet examen de mathématique me mènera plutôt vers les arts et l’entrepreneuriat. Je regarde l’horloge pour la 1000e fois, c’est mon moment, je n’en peux plus d’être ici. Le soleil chaud de juin m’appelle. Je sors en silence de cette salle de classe en y laissant des souvenirs et des collègues de classe concentrés à la tâche. Sans trop réaliser que nous n’allons pas nous retrouver lundi prochain. Pas plus qu’en septembre puisque nos chemins se seront tous séparés par le Cégep ou les jobines.

Ces corps qui errent dans les couloirs et que je vois tous les jours sans réellement voir. Ces gens qui me font incroyablement rire, que j’aime côtoyer, l’ami de l’amie que je n’appellerai pas en fin de semaine. Pas plus que dans 1 ou 2 mois. Que je serai gênée de recroiser 10 ans plus tard. Cette mélancolie que je ne ressens pas encore en fermant la porte de cette classe bientôt inhabitée. Mes 16 ans font bien les choses, ils me font oublier le terme de cette époque. Bye les voyages de musique! Bye les partys de sous-sol! Bye les tours d’étages! Bye les vidéos d’anglais amusants! Bye Brébeuf!

Le couloir est vide, je croise quelques vestiges de notre vie ici. Un cartable abandonné et quelques vieux mouchoirs au sol, une vieille boîte à lunch terminant sa vie sur le banc du 3e. Ce banc sur lequel j’ai littéralement passé 5 ans de ma vie. Matin, midi et soir. Notre havre de paix pour parler, étudier, écouter de la musique, créer ou même pleurer. Des moments inoubliables d’immaturité à son meilleur. Critiquant les passants, relevant des défis et riant de nos pires moments. L’idéal pour trouver un sens aux examens et aux travaux qui ne semblent jamais finir. Ce vulgaire banc ne sait pas qu’il est désormais qu’un vestige de nos petits bonheurs d’adolescentes. Qu’à l’automne prochain, de nouveaux visages y feront leur arrivée sans lui accorder autant d’amour.

Les néons sont à moitié fermés et le concierge fait sa run dans la salle de bain des gars. Le silence qui règne ici ne représente en rien toute la vie de mes dernières années.

Je ferme mon casier une dernière fois en regardant le sol, je lance mon vieux cadenas au fond de mon sac. Mon 25-15-5  que toutes mes amies connaissaient par coeur depuis mon premier secondaire, mais que je n’ai jamais voulu changer. On va se le dire, la compagnie ne c’était pas forcée pour le rendre discret avec son code (plus que facile) à retenir pour une gang d’adolescents. Qui de la classe ne pouvait officiellement pas ajouter des choses dans cet espace bordélique? Je ne me donnais plus la peine de bien le barrer. Espérant trouver une lettre, un mot d’une de mes comparses, une invitation ou un dessin qui rendrait ma journée moins pénible. C’était ça le bon côté de ce manque d’intimité!

Mon sac à dos est plein. Lourd de mes derniers avoirs scolaires. Je me dirige vers l’escalier de ces 3 étages que j’ai tellement descendus et montés. Parfois tellement rapidement, quand j’y avais oublié un devoir à remettre et qu’il ne me restait que quelques minutes avant la dernière cloche. À Brébeuf, quand ton nom de famille débute par «T», tu es voué au 3e. Voué à faire un peu plus de cardio que les autres. Surtout quand tu es en concentration musique et que les locaux sont au sous-sol. Cette fois, je les descends pour ne plus les remonter, saluant un prof au 2e. Un de ces adultes qui se fond aux couleurs des murs tellement il y est depuis longtemps. Un adulte considéré acquis, payé pour nous endurer. Qui pensais qu’on pouvait s’ennuyer de certains professeurs? Personne nous avait avisé que cette relation de 5 ans sans possibilité de prolongation pouvait être d’une triste fin. Après tout, est-ce sain de conserver une relation avec un adulte de l’âge de son père? Je continue ma route vers le rez-de-chaussée, plus que quelques marches pour un coup d’oeil rapide vers la fenêtre de la cafétéria. Me remémorant tous ces passages obligés. Toutes les fois où Joe devait m’y accompagner pour s’assurer de mon passage tri-quotidien près de la case de celui qui faisait battre mon coeur. Les «C» étaient rarement ailleurs qu’au premier étage. M’accrochant désormais qu’à cette chaleur dans mon ventre et qu’aux souvenirs de nos frasques qui ne semblaient jamais vouloir me quitter. Je longe le couloir pour dépasser le local «ressource». Cet oasis des professeurs qui ne voulaient plus d’un élève dissipé en classe. Ce petit espace définitivement toujours trop plein à Brébeuf. Là où on allait bouder en ruminant contre sa prof de morale. Elle qui espérait qu’on y apprenne quelque chose. Parfois aussi l’endroit où je décidais de ne pas me rendre. Trop insultée pour m’y confiner. Je prenais la route de mon chez moi trop vide. Laissant le téléphone sonner devant la secrétaire à ma recherche. On ne peut pas dire que mon caractère était prédestiné à être un fleuve tranquille. Déterminée, têtue et acharnée. Un trio dangereux mélangé aux hormones de mon adolescence. C’était mon dernier regard avec ce local triste.

Quelques pas pour mon ultime vue sur les bureaux des secrétaires. Ces femmes que je côtoie tous les jours s’évaporent maintenant de mon champ de vision. J’ouvre les portes vitrées pour les refermer pour de bon. Me voilà à tenter d’ignorer cette boule dans ma gorge. Ce doux mélange amer de peur, d’inquiétudes et d’accablement. Je choisis de ne pas me retourner devant la banalité de ces adieux. L’impression que tout ça pouvait vraiment continuer d’exister à l’extérieur de ces murs d’école secondaire. La naïveté de l’adolescence.

C’est finalement dans un appartement plein de boîtes pleines que j’atterris pour ce dernier retour d’école officiel. Sans l’accueil de mon chien, la vie me remémore soudainement que le nouveau propriétaire nous a mis dehors et que mon fidèle n’y est plus. Il semblerait que notre triplex de Limoilou serait plus rentable en condo. Je me sens déracinée. Plus jamais, je ne serai locataire!

Cette journée là, cette dernière journée de mon secondaire, ce n’est pas une page que je tourne, c’est plutôt un livre que l’on brûle devant moi…

Bye Brébeuf!

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